Un panel de la CICR-Bad axé sur les impacts combinés du changement climatique et des conflits armés dans le Sahel
Ce jeudi 19 avril 2018, se tenait un panel d’experts organisé par la Croix-Rouge ainsi que la Banque de Développement Africaine à Abuja au Nigéria. Inviter à commenter la présente situation au Sahel ainsi qu’exposer le travail passé et présent des différentes organisations invitées, Dr Sibry Tapsoba[1], M. Ibrahim Lumumba Idi-Issa[2], M. Babacar Cissé[3] et M. Patrick Youssef[4] ont axé leurs constats sous une approche combinant changements climatiques et conflits armés au cœur des problématiques sahéliennes : « L’insécurité climatique des régions sahéliennes est particulièrement avérée…c’est au cœur de l’actualité géopolitique africaine. »
De l’avis des panélistes, le lien entre changements climatiques et l’émergence de conflits est une clé d’analyse extrêmement pertinente pour saisir la réalité de la situation : un portrait alarmant. L’augmentation significative des catastrophes naturelles, constatée principalement sous l’alternance de sécheresses prolongées et d’inondations violentes, pose un risque constant et croissant pour des communautés dépendant largement de l’agriculture pluviale. En effet, l’accentuation d’irrégularités des récoltes pour les agriculteurs, couplé avec la raréfaction des terres de pâturage pour les éleveurs qui doivent conséquemment modifier leurs circuits de nomadisation vers le sud, résultent en migration interne vers les villes qui n’ont pas les moyens de les accueillir ou encore en migration externe vers l’Europe. Ces mêmes déplacements de populations augmentent les pressions dans les régions densément peuplées ce qui, en convergence avec l’importante croissance démographique et la nette diminution des réserves hydrauliques, diminue de façon critique les espaces de culture disponibles et les capacités de résilience déjà fragilisées. Conséquemment, ces réalités amplifient les tensions intercommunautaires qui, sur la durée, mènent à la multiplication des ressentiments créant un vicieux mouvement d’entrainement mutuel. Violence confessionnal, communautaire, litiges frontaliers, situations de fragilité et de radicalisation en sont les symptômes les plus apparents.
Pour Dr. Tapsoba, représentant la Banque Africaine de Développement, la région sahélienne subit les contrecoups des changements climatiques insidieusement. En effet, alors que les discussions internationales se centrent sur la diminution des gaz à effet de serre et la hausse des niveaux océaniques, la région connaît plutôt des sécheresses cycliques de plus en plus rapprochées. Pour cet interlocuteur, la réponse à ces défis climatiques tout comme à la violence conséquente se trouve au sein des systèmes traditionnels communautaires qui contiennent, si supportées, les forces nécessaire de résilience. Ces mêmes systèmes pourraient intégrer efficacement, avec une assistance active, les volontés d’adaptation agro-pastorales aux nouvelles réalités climatiques. L’erreur de développement en ces régions fut de focaliser sur la construction des états plutôt que sur le renforcement des liens communaux; une faille critique qui permit aux solidarités confessionnelles de supplanter ceux-ci. Le meilleur vecteur pour adresser la situation conflictuelle passe par l’encouragement d’une économie locale axée sur l’inclusion ainsi qu’une reconfiguration locale en fonction des changements de disponibilités des ressources hydrauliques. Conséquemment, une emphase sur le financement direct des programmes communautaires est nécessaire.
Pour M. Youssef, la situation au Sahel est divisée en deux axes qui incitent conflits et fragilités : le Lac Tchad confronté à l’État Islamique en Afrique de l’Ouest (Boko Haram) et le conflit malien qui par son intensité est l’épicentre régional des migrations. Le manque d’infrastructures, la pauvreté et le manque de solutions économiques viables sont au cœur de ce phénomène. Bien que maint migrants ont une volonté de retourner en leur région natale et de reprendre leurs activités économiques, le manque de sécurité physique et environnemental et le l’absence d’opportunités empêche l’escompté retour. La réponse qui devra être choisit se doit d’intégrer une perspective à long terme et non uniquement à court terme puisque si les situations économique, sociale et environnementale ne sont pas adresser, les conflits vont continuer à se fragmenter et les déplacements de population vont s’amplifier. En effet, toute solution se doit de « rebâtir les liens communautaires pour substituer les solidarités confessionnelles et cela doit être fait avec des mécanismes de résolution de conflits. »
Pour M. Lumumba Idi-Issa, la solution passe par la synergie des interventions ainsi que par le renforcement des dispositifs informationnels. En effet. Il est vital d’éviter de dupliquer les interventions entre agences, donneurs et États puisque la redondance de mainte actions rend chacune moins efficaces. De plus, il est vital d’informer et de préparer les communautés afin de bâtir ou rebâtir une résilience déjà chaudement éprouvée ainsi que pour éviter la compétition pour les ressources qui inévitablement mène à de nouveaux conflits. Cinq aspects stratégiques devraient être déployé afin de réaliser ces objectifs : Assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des communautés, assure un approvisionnement viable et renouvelable de l’eau potable, entreprendre des politiques de gestion durable des terres pastorales et agraires et, finalement, considérer la poussée démographique pour assurer un développement durable des populations.
Pour M. Cissé, une approche intégrée en termes de développement, politique et humanitaire pour le Sahel est nécessaire puisque présentement tous les acteurs ont des stratégies différenciées et parfois même contradictoire. Pour cela, la gouvernance est l’élément essentielle. En effet, une effective et inclusive gouvernance locale, nationale et régionale se doit d’être couplée avec l’approfondissement de mécanismes régionaux de sécurité et à l’articulation de liens transnationaux avec l’emphase sur la sécurité et le développement. Conséquemment, quatre priorités seront affinés par le Plan d’Actions des Nations-Unis pour le Sahel qui sera publier dès la fin Avril 2018 : La mise en place d’un programme de coopération transfrontalier afin de contrer l’étalement des conflits et contrer le crime organisé, promouvoir justice et droits de l’homme par l’élargissement d’accès aux services sociaux et judiciaires de base, l’introduction de programmes éducatifs destinés aux jeunes et aux femmes et le renforcement de la résilience aux changements climatiques.
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[1] Directeur du Bureau de coordination des États en transition à la Banque Africaine de Développement
[2] Secrétaire exécutif adjoint du Comité Permanent Inter-États de lutte contre la Sécheresse dans le Sahel
[3] Coordonnateur Résident du Système des Nations-Unis en Côte-d’Ivoire
[4] Directeur régional adjoint pour l’Afrique de la CICR